mardi 24 novembre 2015

La suite sur "Escapade à l'Est 2"...

Hola chers lecteurs assidus !

Les articles pleuvent depuis plusieurs mois, mais voilà que nous rencontrons un problème technique dont les méandres obscurs de l'informatique ont le secret... On semble avoir atteint la taille maximale de ce blog, impossible de continuer. Alors plutôt que de laisser nos fidèles lecteurs dans un suspense insoutenable, la suite de nos récits se fera sur le blog suivant :
www.escapadealest2.blogspot.com

Nous continuerons à mettre les liens sur le menu à gauche du premier blog pour plus de clarté.
Faites nous signe si vous rencontrez un problème.

À très vite,
La bise qui continue...

jeudi 19 novembre 2015

Tortel et ses passerelles


Hola todos !

Nous quittons Rio Tranquilo avec un petit pincement au cœur, nous serions restés de longues journée encore bien volontiers dans ce havre de tranquillité. Le soleil est toujours au rendez-vous. Nous prenons de bon matin la direction de Cochrane, la dernière "ville" de la Carretera Austral. Mais pour cela il nous faut d'abord résoudre l'énigme des transports, manifestement non triviale.


Trois minibus sont censés passer entre midi et 14h, mais encore faut-il qu'ils aient de la place... Nous tentons le stop en attendant pour augmenter nos chances, même si la circulation n'excède jamais plus de quatre voitures par heure sur cette piste poussiéreuse... Nous l'avons déjà dit, il n'y a pour l'instant que très peu de touristes, et donc peu d’autostoppeurs, ce qui est un vrai avantage vu les rares transports qui se présentent. La patience est donc de mise aujourd'hui, et la chance nous sourit assez rapidement. Un premier pick-up nous avance de 100km, puis après 2h d'attente un second nous conduit à bon port ! La compagnie était en plus vraiment très agréable : discussions des plus intéressantes et arrêts aux points de vue. Nous longeons tout d'abord d'immenses lacs avec toujours ces glaciers en toile de fond, décidément c'est superbe ! Puis avant Cochrane nous longeons le Rio Baker, un fleuve d'un bleu turquoise surprenant, très connu des amateurs de pêche et d'eau vive.


    Autant faire du stop avec le sourire !

   Rio Baker

Cochrane est une petite ville perdue au milieu de rien, d'environ 20 000 habitants. Au premier abord, nous nous demandons bien pourquoi une ville a pris forme ici. Nous apprendrons que des mines ont vu le jour dans les environs après la découverte de filons d'or, élément qui a suscité suffisamment d'intérêt pour que de la main d’œuvre vienne s'installer ici. Nous assistons à la sortie d'école, déambulons dans les rues désertes, et trouvons vite ce qui sera pour nous la "curiosité" du jour : le supermarché de la place centrale. C'est une véritable caverne d'Ali Baba, qui semble dater de début 1900 (si on se base sur nos références françaises). On trouve toutes sortes de choses dans ce petit magasin : alimentation, chaussures, matériel de bricolage, tissus, vins et alcools, ustensiles de cuisines, vêtements, gazinières, matelas, pharmacie, chocolat, valises, moteurs de bateau... Tout y est, et sur une superficie minimale. Les produits sont entassés et présents en petite quantité. Il ne faut par contre pas être exigeant sur la couleur, le design, la marque, ou encore la fraîcheur des produits. Ici quand on fait les courses, on achète ce qu'il y a et on s'adapte ! 






    Le fameux supermarché

Nous ne resterons qu'une soirée à Cochrane, car la météo semble virer au mauvais dans les jours qui suivent et surtout, le lendemain un bus prend la direction de Tortel, notre prochaine destination (le suivant étant deux jours plus tard). Pourtant les parcs dans les alentours semblent superbes. Le parc Patagonia, en pleine création dans la vallée Chacabuco, aurait un tel potentiel de randonnées qu'il serait annoncé comme le futur Torres del Paine. Il doit donc regorger de merveilles...

Le lendemain matin nous prenons donc LE seul et unique bus pour Tortel à 120km d'ici. Ce trajet n'est pas comme les autres et est à lui tout seul le théâtre de la vie locale. Nous nous rendons vite compte que notre chauffeur est une personne de référence dans ces contrées reculées que nous traversons. Il permet au locaux vivant ici si isolés, chacun dans leur coin, de garder un lien social. Le chauffeur a donc clairement plusieurs rôles à jouer : chauffeur, bagagiste, facteur, coursier, et guide touristique ! Il est d'une attention et d'une gentillesse exceptionnelles avec la vingtaine de passagers, garantissant une ambiance joyeuse à bord. Tout le monde discute et rigole de bon cœur !





Nous ne sommes que trois touristes, il prend soin de nous décrire le paysage, de nous narrer l'histoire de la région et même de s'arrêter pour quelques photos ! Le soleil est encore au rendez-vous aujourd'hui, nous avons de la chance. Les autres passagers sont plutôt âgés et vivent dans de petites cabanes perdues le long de la route. Nous nous arrêtons quasiment devant toutes les maisons (une dizaine seulement sur tout le trajet) pour prendre une commande de courses pour le prochain passage du bus, récupérer un message à faire passer à la maison suivante, déposer un carton, rendre de la monnaie, transmettre des nouvelles, en prendre d'autres... Nous déposons une dame et sa fille dans un virage : le mari les attend avec trois chevaux leur permettant de regagner leur domicile, sans doute éloigné de la piste... Nous sommes chanceux d'assister à ce trajet et impressionnés de constater un tel isolement...



    Au centre, un huemul (cerf andin) qui est une espèce protégée






Après 4h de trajet chaotique, la piste s'arrête net à l'entrée du petit village de Tortel, village construit au bord d'un fjord. Le bus est attendu, l'arrivée d'une dizaine de personnes dans le village est ici un véritable débarquement!

Tortel est un village atypique construit intégralement sur pilotis le long de ce fjord. Des kilomètres de passerelles de bois de cyprès permettent de se déplacer dans le village, en bord de mer et au-dessus des marécages gorgés d'eau. Aucun véhicule ne circule ici car il n'y a ni rue ni piste. Les déplacements motorisés se font en bateau, sinon tout le monde se déplace à pied. Nous arpentons ces pontons bien agréables et nous traversons de nombreuses places, construites en bois et sur pilotis évidemment, des places sont aménagées sur lesquelles on retrouve un square avec toboggan ou encore du matériel de salle de sport.
Le village s'étend sur deux bons kilomètres. Quel décor incongru et agréable ! L'ambiance est paisible évidemment, la vie est très simple. Le bois est un élément clef ici : on coupe du bois à brûler, on alimente le poêle pour se chauffer et cuisiner, on répare ou construit les bateaux en bois tout comme ces fameuses passerelles. Des coups de marteau se font entendre à longueur de journée aux quatre coins du village. 














   Chez Giselle, Hospedaje dans laquelle nous dormons

    Feu de bois et même cuisine au feu de bois !

Nous profitons de ce bel après-midi ensoleillé avant la pluie annoncée pour prendre un peu de hauteur sur le village via l'unique sentier des environs. Le Rio Baker se jette dans le Pacifique non loin de là, la couleur laiteuse de son petit delta est très belle. Le grand large est encore loin, de multiples îles laissent quelques passages à la mer pour rentrer jusqu'ici. 







Ah et comme toujours on prend nos marques dans les petites échoppes du quartier. Mais les gens semblent bizarres, du moins quelque chose cloche : lorsque l'on souhaite acheter quelque chose, on a souvent la même réponse. Voici un extrait des échanges habituels :
Nous: "Peut-on acheter ces bananes s'il vous plait ?" 
Réponse: "Non, il n'y pas de lumière."
Nous: "Euh, non, pardon... Peut-on acheter ces bananes ou ces oignons ?" (Question réitérée des fois que l'on se soit mal fait comprendre la première fois)
Réponse: "Non, il n'y a pas de lumière."
Nous (nous avions donc bien compris): "Ah euh... Mais pourquoi ?"
Réponse: "Parce qu'il n'y a pas de pluie."

 
Hein ?!??? Nous ne pouvons pas acheter ces bananes parce qu'il n'y a pas de lumière ou parce qu'il n'y a pas de pluie ?!??? Soit nous ne parvenons pas à nous faire comprendre, soit ils ne veulent rien nous vendre, soit nous avons loupé quelque chose. (ou un peu des trois...)

Nous menons l'enquête et nous comprenons que l'électricité du village provient d'une turbine hydroélectrique qu'un bassin alimente. Mais ce bassin est vide à cause du manque de pluie de ces derniers temps, la turbine ne tourne donc pas, il n'y a donc pas d'électricité ! Et donc pas de lumière. Et le rapport avec les bananes ?! Et bien c'est simple, la balance électrique ne fonctionne pas et ne peut pas donner le prix... CQFD !

Mais pourquoi donc n'utilisent-ils pas une bonne vielle balance à plateau ? Ah ça c'est un autre débat, mais ils semblent résignés à attendre la prochaine grosse pluie... Bref, en attendant la pluie les rares fruits et légumes pourrissent. Lors de notre passage, l'électricité était donc uniquement fournie par des groupes électrogènes, quelques heures le soir. Mais avec parcimonie puisque l’essence est également une denrée rare.

Nous passerons deux autres jours sous la pluie à Tortel, finalement pas fâchés de nous poser après toutes ces journées ensoleillées bien remplies qui se sont enchaînées. Nous cueillons de la nalca, vous vous souvenez cette rhubarbe géante, et en faisons une tarte le soir même avec nos colocataires du jour ! Pas mal du tout !
 


   Pour trouver du pain, il faut aller toquer chez les particuliers...







La bise boisée




Rio Tranquilo et la vallée Exploradores, entre "lagons" et glaciers

Hola los amigos !

Nous quittons Cerro Castillo en compagnie de deux allemands rencontrés la veille et prenons la direction de Rio Tranquilo, à une bonne centaine de kilomètres au sud. Quelle chance, ils se déplacent en véhicule de location, en pick-up, et ont deux places disponibles. Bonne nouvelle, ceci va nous simplifier grandement la tâche.

Dès la sortie du village, et pour les prochains déplacements à venir sur la Carretera Austral, le bitume n'existe plus. Nous évoluons sur une piste de poussière (ou boue selon la météo...). La piste est en travaux sur quelques kilomètres à la sortie de Cerro Castillo, et ici on ne plaisante pas sur les moyens : des pelleteuses énormes, des foreuses, des camions, et une utilisation de la dynamite à tout va... Des dizaines et des dizaines de personnes travaillent sur cette portion pour élargir la piste et la goudronner, c'est impressionnant ! 

Un grand soleil illumine la journée encore aujourd'hui, nous sommes vraiment chanceux. Nous pouvons profiter de points de vue tout au long de la piste : rivières, lacs, glaciers, forêts... Quelle ambiance ! Dommage que nos deux compères du jour roulent si vite et s'arrêtent si peu... Ils parcourent la Carretera en trois jours, alors forcément ils enchaînent les kilomètres. Nous arrivons rapidement à Rio Tranquilo au bord du lac du Général Carrera. Décor de rêve, le lac est d'un bleu calédonien ! Enfin presque...






    Au loin le lac du Général Carrera

Mais comme il est encore relativement tôt, nous réussissons à convaincre nos deux acolytes d'aller jusqu'au fond de la vallée Exploradores l'après-midi. La route qui y mène est à couper le souffle et rejoint quasiment la côte à 60km à l'ouest. Nous sommes heureux, car sans eux, nous n'aurions pu découvrir ce coin là, les transports en commun étant inexistants, et les tours organisés pas si fréquents en cette période. 
La route descend la vallée Exploradores jusqu'à un fleuve, fleuve qui se jette ensuite dans le Pacifique. Elle a été achevée en 2013, autant vous dire que le lieu est encore très sauvage. Nous longeons le Campo Hielo Norte, une des deux gigantesques calottes glaciaires de Patagonie. Ces deux calottes (le Campo Hielo Norte et le Campo Hielo Sur) sont les plus grandes réserves de glace au monde après les pôles et le Groenland. Ça y est, nous sommes devant les mythiques glaciers patagons !!! Et autant vous dire que, c'est beau, très très beau ! Nous avons beau en avoir déjà vu quelques-uns, ceux-là sont juste bien plus gros que tous les autres ! Et nous ne sommes qu'à 75m d'altitude ! Nous ne croisons quasiment personne, nous avons les yeux écarquillés pour ne rater aucune miette de ce décor somptueux.














Nous parvenons au bout de la route, et essayons de dégoter un bateau pour se rendre au glacier San Raphaël, glacier réputé, qui se jette directement dans une lagune turquoise. Deux locaux nous renseignent. Pas de chance, seules les agences proposent des tours organisés au départ de Rio Tranquilo, et une journée de visite (sans les repas et l'hébergement) correspond à 6 fois notre budget quotidien. Tant pis, nous aurons l'occasion de voir d'autres glaciers plus au sud. 




   
Mais la rencontre avec ces deux Patagons est l'occasion pour nous d'en apprendre un peu plus sur leur mode de vie. Ils ne sont que sept à vivre ici à l'année, dans trois petites maisons. En termes d'énergie, il n'y a pas d'électricité, tous utilisent des groupes électrogènes et quelques panneaux solaires. L'eau potable est pompée dans un puits, elle vient vraisemblablement d'une nappe phréatique car l'eau de la rivière est trop chargée en sédiments des glaciers. La route arrive ici depuis deux ans seulement, avant l'accès se faisait via la mer, via la terre en cheval ou à pied, ou encore via les airs en petit coucou à condition que la météo le permette. L'hiver est long, de mars à octobre, et terriblement rude : pluie, vent, humidité permanente, mais il n'y a pas de neige car l'air est salé. Il ne fait jour que de 9h à 15h au début de l'hiver. Le jour de notre visite, il faisait grand beau, ce qui semble rare. Ces hommes vivant là paraissent vraiment heureux. 
La route qui arrive désormais jusqu'ici leur a changé la vie, facilitant nettement les déplacements d'un côté, mais mettant à mal leur tranquillité... L'un d'entre eux construisait d'ailleurs une barrière pour séparer son terrain du parking, détail qui en dit long... De plus, un énorme pont était en construction lors de notre passage, pont qui permettra de relier les deux berges du fleuve. Pour faire face à l'augmentation de la fréquentation touristique ? Pour faciliter l'accès à la mer et construire un port ? Quoiqu'il en soit, leur vie est en train de changer. La discussion est courte mais passionnante, ils ont un sourire vrai. Ils nous parlent comme s'ils parlaient à leurs petits enfants, comme si nous nous connaissions depuis longtemps : "Profitez de la vie, profitez de vos familles, et dans le futur, prenez le temps de profiter de vos enfants". On est touchés par leur sagesse et leur bonté. Ces hommes au sourire moustachu, coiffés d'un béret et portant une chemise à carreaux resteront longtemps dans un petit coin de notre mémoire.

Au retour nous profitons d'une vue imprenable sur le glacier Exploradores. Immense, incroyable, tous les superlatifs pourraient convenir... Nous admirons, encore plus avec ce beau temps et les lumières de fin de journée qui se profilent. 









De retour dans le petit village de Rio Tranquilo, nous trouvons un hébergement chez un jeune couple chilien, Carina et Christobal. Rio Tranquilo est une minuscule bourgade paisible d'une tranquillité imperturbable. Le village est construit au bord de ce grand lac du Général Carrera, lac d'un bleu fantastique, et entouré de montagnes enneigées, le cadre est exceptionnel. On y resterait des jours et des jours, l'ambiance est agréable et on a vite nos points de repère : l'épicerie la mieux achalandée, la boulangerie pour son pain complet, le lac, la rivière, les voisins... 


Carina est native d'ici, elle a fait quelques études à Temuco, a voyagé en Bolivie, au Pérou et chez ses voisins argentins, ce qui lui donne du recul sur l'évolution actuelle de la Patagonie chilienne. Elle est très au fait des enjeux actuels qui guettent cette région. Nous en ferons un prochain article à part entière, car au fil de ces riches rencontres, nous en accumulons des choses à dire ! 

Christobal nous prête sa canne à pêche une fin d'après-midi pour tenter d'attraper un saumon ou une truite. Un papy nous apercevant avec notre canne, nous emmène dans son spot favori, où cinq beaux saumons n'attendent que nous ! Mais ils n'ont pas grand chose à craindre de notre technique de débutant. Alors qu'ils sont presque à portée de main, ils vont nous narguer pendant une bonne heure dans ce petit cours d'eau limpide, ne se faisant pas prendre à notre hameçon pourtant bien asticoté. Céline sortira quand même une petite truite, trop petite pour finir dans nos assiettes. Les débutants que nous sommes rentrent donc bredouilles de cette tentative.



Une curiosité géologique invite tout visiteur à s'attarder un peu sur le lac : les "capillas de marmol" ou chapelles de marbre. Nous atteignons ces formations atypiques en kayak. Sans vent, le lac est d'huile et d'un bleu fou sous ce beau soleil. Nous pourrions presque nous croire sur une plage sous les tropiques ! Mais les montagnes enneigées nous rappellent vite à l'ordre... Nous approchons de ces fameux rochers de marbre, de ces grands champignons de pierre creusés par l'eau au fil du temps, de ces grottes aux courbes élégantes. C'est splendide ! Quel décor encore une fois ! Nous vous laissons avec ces belles photos.





















La bise tranquille !