mercredi 5 août 2015

Medellin, l'exemple du changement

Hola los amigos !

Changement de décor puisque nous voici à présent loin de la côte, au milieu de la région montagneuse d'Antioquia, dans la seconde ville de Colombie, à Medellin.
Oui, Medellin, vous avez bien lu. Prononcer "Médéyjin". Ce nom vous évoque très certainement une réputation peu enviable voir exécrable : drogue, cartels, narcotrafiquants, armée illégale, violence, zones de non-droit... Ce n'est pas faux, cette réputation n'est pas usurpée, ne soyons pas naïfs. Mais que faisons-nous là bas vous dites-vous sans doute ?!? Pas de panique, on a plein de bonnes surprises à vous raconter, et rassurez vous tout va bien.


Nous avons suivi une visite de la ville absolument génialissime un matin, qui nous a ouvert les yeux, donné les clés pour comprendre ce qu'il se passe ici, dans ce pays. Nous tâchons de vous en faire profiter dans cet article. On est sous le charme, Medellin fait partie des belles découvertes jusqu'ici.


Quelques rappels s'imposent pour cadrer le décor et comprendre cette ville fascinante. Il serait prétentieux de notre part de dire qu'on connaît tout, ou qu'on a compris le complexe "problème" dont souffre la Colombie, mais voici déjà de bonnes bases.


Medellin se situe à 1500m d'altitude, dans une cuvette entourée de montagnes allant jusqu'à 2500m environ, constituées de forêts impénétrables. Elle abrite 3,3 millions d'habitants. Medellin fut le QG de la drogue à partir des années 50, et particulièrement de la cocaïne dans les années 80 et 90. A ce moment là, la Colombie exportait 80% de la consommation mondiale de cette poudre blanche. Les feuilles de coca, achetées au Pérou et en Bolivie, et également cultivées en Colombie sont transformées en Colombie. L'intérieur du pays est si escarpé et si difficile d'accès qu'il est facile de cacher les exploitations. Un marché démoniaque se met alors en place par un bandit-manipulateur-businessman hors-pair : Pablo Escobar. Il organise tout de A à Z depuis Medellin, se dote d'une armée, enrôle les gens facilement grâce aux sommes d'argent qu'il offre pour faire le guet, passer, cacher, envoyer... La ville entière est alors sous son influence. Les États-Unis sont le premier client. La Colombie est stratégiquement placée pour l'export puisqu'elle jouit d'un accès à l'Atlantique pour les US et l'Europe, d'un accès au Pacifique pour les US et l'Asie, de sa frontière terrestre au nord pour inonder l'Amérique centrale, et de ses frontières au sud pour les pays latinos. Bref que d'atouts pour que ce business prenne une ampleur planétaire. Pablo Escobar devient même la septième fortune mondiale...

Mais ces sommes d'argent exorbitantes ne profitent évidemment pas aux Colombiens, et encore moins à Medellin. Les avis divergent sur le sujet car Escobar était malgré tout très populaire, enfin il était surtout un fin manipulateur de foules. Il aurait (ou pas...) financé pas mal d'infrastructures à Medellin : bâtiments, routes, lignes électriques, terrains de foot... Notre guide nous dit qu'il n'en est rien... Ce qui est certain en revanche, c'est que ce sont les paramilitaires qui ont bénéficié en premier de cet argent. Des armées illégales se sont créées ici et là pour protéger le narcotrafic, avec des armes bien plus puissantes que celles de l'armée du gouvernement. Des milliers d'enfants sont même (et sont même toujours) directement impliqués dans ces armées. Les Farcs, dont nous avons tous déjà entendu parler, sont un des groupes armés les plus puissants, et encore actuellement, ils enrôleraient plus de 7000 enfants (chiffre estimé...). Mais il existe des dizaines d'autres groupes paramilitaires. A l'époque, la guérilla devient alors incontrôlable et le gouvernement est bien faible pour faire face.
L'apogée de cet empire se situe donc au début des années 90. Mais quelques événements clefs vont faire tourner les choses.  
Paulo Escobar est assassiné en 1993 par des forces spéciales à Medellin. En 2002, Alvaro Uribe est élu président de la république et va mener une lutte acharnée contre les Farcs et les autres groupes armés et ce, au cours de ses deux mandats. Le maire de Medellin va jouer également un rôle primordial. À partir de ce moment le gouvernement a davantage d'appuis, une fragilité du narcotrafic commence à se ressentir, les Colombiens n'en peuvent plus, et Medellin veut sortir de cette situation.

Une personne en particulier va donner du baume au cœur aux Colombiens grâce à la renommée mondiale qu'il est en train de gagner dans les années 90 et 2000. Fernando Botero, artiste mondialement connu à l'heure actuelle, s'est illustré par ses peintures et sculptures modernes représentant des personnages volumineux. El maestro Botero, comme ils l'appellent ici, fait don de ses œuvres à Medellin dans les années 2000. Un superbe musée est alors créé. Nous l'avons d'ailleurs beaucoup apprécié. Mais surtout il va mettre en scène ses énormes sculptures en bronze en pleine ville, sur quelques places. Etait-ce un pari osé lorsqu'on pense à la valeur de chaque statue posée en plein centre de la ville la plus dangereuse au monde ? Non, les Colombiens lui donnent très vite raison, et ces statues sont alors tout un symbole pour le nouveau Medellin.



Le changement est alors amorcé. Medellin se dote d'un métro qui va faciliter le quotidien de chacun (cela dit en passant, le métro est bien plus propre et agréable que le métro de Paris), puis récemment de télécabines françaises (Poma, les mêmes que dans nos stations de ski, mais au lieu de survoler des chalets de millionnaires, on survole les quartiers les plus pauvres de la ville). Ces installations révolutionnent le quotidien des habitants, et suppriment des zones de non-droit, les connectant au centre en moins de 30 minutes, contre plusieurs heures auparavant.



Un autre bel exemple est la construction d'une bibliothèque gigantesque : trois tours noires posées au beau milieu d'un des quartiers autrefois réputé comme le plus dangereux de la ville, donc un des plus dangereux au monde. Cette bibliothèque est un modèle du genre : espaces de lecture, livres du monde entier, ordinateurs à disposition, internet à volonté, salles de travail, expositions, photos du quotidien colombien... Accessible à tout âge, ce lieu est extrêmement respecté.

Nous avons emprunté cette télécabine, profité d'une vue incroyable sur la ville et ces fameux anciens quartiers dangereux, puis nous avons marché jusqu'à cette bibliothèque qui domine la ville. L'ambiance est bonne, on sent que les habitants ont le sourire, un vrai sourire d'une nouvelle époque. Ils sont heureux de voir des étrangers venir s'intéresser à leur ville, à leur quartier. C'est le signe que la réputation de la ville a enfin changé.
Tous les Colombiens sans exception ont été touchés de près par cette époque, c'est omniprésent dans leurs esprits. Mais à présent ils regardent devant, prennent soin de leur ville, ont le sourire, sont joyeux et se réjouissent de l'avenir.

Vous aurez compris que Medellin n'est plus l'empire de la drogue, enfin beaucoup moins. Aujourd'hui "plus que" 32% de la consommation mondiale part de Colombie, contre 80% il y a à peine 15 ans ! Le chemin est encore long, ne soyons pas dupes. Quelques scènes de rue nous le rappellent vite quand on voit des victimes de la drogue déambuler, ou quand on se voit proposer de la drogue comme on voudrait nous vendre un porte-clé Tour Eiffel à Paris.
Mais le plus dur est sans doute derrière, et la suite se profile plutôt bien. Un tramway est en construction, un projet d'aménagement de la ville est en exposition pour expliquer ce qui se fera dans les années à venir, tout cela de manière très moderne et très professionnelle. On se sentirait presque en Europe face à ces projets. Medellin a aujourd'hui le meilleur réseau d'eau du pays, elle est potable, et on y trouve les meilleurs hôpitaux de Colombie. Medellin a été élue en 2013 ville mondiale de l'innovation urbaine, devant New-York et bien d'autres. Quelle belle distinction de la part du monde entier !

Nous ressentons une très vive émotion quand nous voyons tous ces éléments prendre forme si concrètement sous nos yeux. On ne peut pas rester de marbre et ça nous met clairement les frissons...


La bise nouvelle !


2 commentaires:

  1. Article très intéressant dis donc !! Très agréable à lire, ça fait du bien de voir que des choses changent dans le bon sens sur notre vieille Terre...
    On leur souhaite bon courage à tout ces "Paisas" ;-)

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  2. J'ai adoré cet article ! Merci pour vos explications qui nous permettent de mieux comprendre ce que vous vivez. Bisous

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